Arrêtez de chercher un métier, cherchez les verbes d’action qui vous enthousiasment ! – Interview de Sarah Roubato
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Jeff Carlotti
Bonjour à vous, bienvenus pour une nouvelle interview pour le blog Ma Carrière en Main, aujourd’hui j’accueille Sarah Roubato, bonjour Sarah, qui est l’auteure de pleins d’ouvrages, pleins d’écrits et notamment, un qui s’intitule Lettre à un ado. Sarah est-ce que tu veux te présenter plus en détail ?
Sarah Roubato
Je suis pisteuse de paroles et écouteuse à temps plein. Je travaille avec les mots donc je les écris dans des livres, je les chante sur scène et je les enregistre dans des portraits sonores. Et j’essaye d’exprimer le monde avec des mots. Enregistrés, performés ou écrits.
Jeff Carlotti
D’accord, wow. Donc plusieurs supports pour traduire différentes conversations. Alors première question, est-ce que tu peux nous parler plus en détail de ton livre, Lettre à un ado ?
Sarah Roubato
C’est une lettre que j’ai d’abord écrite sur internet, qui s’appelait seulement Lettre à un ado à ce moment-là, et elle s’est appelée Trouve le verbe de ta vie de plus en plus parce qu’apparemment elle n’a pas parlé qu’aux ados. J’avais rencontré des ados dans des ateliers, dans des écoles, dans des lycées, et puis j’avais vu des choses, entendu des choses, j’ai vu pas mal de frustration. Et j’ai écrit cette lettre, où je propose à un ado fictif de projeter son avenir en pensant au verbe de sa vie, en trouvant le verbe.
Jeff Carlotti
D’accord. Donc pas le métier, mais le verbe.
Sarah Roubato
Voilà. Plutôt que le métier, essayez de trouver le verbe.
Jeff Carlotti
D’accord. Et quelle différence ça fait ?
Sarah Roubato
On nous dit que le parcours que l’on fait c’est une ligne droite et puis il faut trouver un métier, une fonction. Il faut l’atteindre. Plutôt que de penser comme ça, quand on pense à un verbe, c’est quelque chose que l’on a en soi et qui est un geste. C’est-à-dire un geste que l’on pose dans le monde. Et à ce moment-là cela dépasse le métier, c’est-à-dire que l’on peut exercer un métier et y faire un certain verbe. C’est-à-dire que si on aime le foot on peut être footballer. Tu veux être footballer mais tu aimes quoi là-dedans, tu aimes le spectacle ? Tu aimes l’esprit d’équipe, le fait d’être ensemble ? Tu aimes la compétition, le défi ? Tu aimes le fait de se dépasser ? Si par exemple c’est plutôt le fait de se dépasser, souvent c’est beaucoup de choses ensemble mais l’on peut dédramatiser le fait de ne pas arriver à un métier précis et se dire en fait ce qui m’intéresse là-dedans c’est me dépasser mais je peux me dépasser ailleurs. Ou je peux avoir l’esprit d’équipe ailleurs. Donc le verbe cela permet de pouvoir envisager plusieurs métiers et cela permet surtout de partir de soi et non pas de partir de quelque chose qui est déjà là, que l’on attend.
Jeff Carlotti
OK. Donc si je résume on va avoir le fait de partir de nous et non pas de l’existant. Le fait de réfléchir à tout ce qui est verbe d’action, l’environnement de travail qui m’attire. Et après chercher à tendre vers ça. Et tu avais aussi soulevé la question de la finalité Sarah.
Sarah Roubato
Oui parce qu’en fait moi cette idée-là elle m’est venue entre autres par les portraits que je fais. Je fais des portraits de gens qui inventent d’autres manières de faire. Alors boulanger, boxer, paysan, metteur en scène, sculpteur… des gens très différents. Et je me suis rendu compte en faisant ces portraits que ce qui importait n’était pas du tout leur métier mais ce qu’ils y faisaient. C’est-à-dire qu’ils ont une manière de chercher à travers leur pratique quelque chose. Par exemple j’ai rencontré une éleveuse de chevaux qui aime réparer. Donc elle prend des cheveux qui ont été maltraités. Mais en fait si elle n’avait pas fait ça avec les chevaux, elle aurait fait ça ailleurs. C’est ça son truc. Ça n’est pas les chevaux, c’est le fait de réparer. Ou le fait d’aider pour certains. Ou le fait de créer. Et donc je me suis rendu compte de ça. Et il y avait Cécile la sculpteur, qui dit « si je trouve le bon geste dans ma vie c’est que je suis à ma bonne place ». Elle avait utilisé le mot « geste ». Et il y avait le boulanger, Alain, qui avant d’être boulanger avait été marin, chimiste, apiculteur et peintre et il m’a dit « moi dans tous les métiers que j’ai faits, même quand j’étais salarié, j’ai toujours œuvré ». Il a utilisé le mot « œuvré ». Donc ça mis ensemble, ça m’a donné l’idée du verbe et donc j’ai compris ça d’une part après j’ai pensé à l’histoire de la finalité, c’est-à-dire que souvent on nous dit « fait ce qu’il te plait, fait ce que tu aimes, fait dans quoi tu es bon ». Et on nous demande rarement au service de quoi on va le faire. Parce qu’on peut être comptable pour une ONG qui s’occupe des défenses des peuples autochtones et on peut être comptable pour Total. Ça n’est pas la même chose. C’est-à-dire que quand on exerce quelque chose, on laisse une empreinte dans le monde. Et ça on l’oublie complètement car on n’est dans notre petite bulle individuelle « bon je fais ce que j’aime, je suis content ». Mais en fait il y a un plaisir que l’on retire à avoir participé à quelque chose, à laisser une empreinte, une trace quelque part. et donc ça veut dire voilà c’est le fait de réfléchir à quoi je veux participer.
Jeff Carlotti
D’accord donc quelque chose de plus grand que soi.
Sarah Roubato
Oui mais de plus grand que soi mais qui nous revient. Il y a la phrase en exergue de mon livre, j’ai mis une phrase d’un vagabond que j’ai rencontré au Québec qui s’appelle Pierrot et il dit « qu’est-ce que j’ai fait pour mon rêve aujourd’hui et en quoi s’occupe-t-il de la beauté du monde ». Et cette phrase-là c’est surtout la deuxième partie qui est importante. En quoi mon rêve s’occupe-t-il de la beauté du monde ? Ou bien participe à ce que ça aille mieux. Parce que souvent ce qui arrive c’est que des gens ont des métiers dans lesquels ils sont compétents, ils sont bons et ils ont la satisfaction personnelle. Et souvent cela arrive qu’à moyen long terme ils se rendent comptent qu’ils participent à quelque chose qui va même à l’encontre de leurs propres valeurs. Ça peut arriver.
Jeff Carlotti
D’accord. Donc il n’y a pas forcément de cohérence entre nos valeurs personnelles et les valeurs de l’entreprises dans laquelle on travaille.
Sarah Roubato
Eh bien comme on nous pose pas cette question-là au départ du parcours et que c’est rare les gens qui se la pose, en général on fonce tête baissée et on s’en rend compte après, parce qu’au début on essaye de s’insérer dans une entreprise, on se dit « c’est bon, j’ai grimpé un échelon » mais en fait on regarde et on se dit mais « à quoi j’ai participé, quelle est l’empreinte que j’ai laissée ? j’ai aidé à quoi, au final ? ». Donc quelque chose de plus grand que nous mais qui nous renvoie un grand plaisir.
Jeff Carlotti
D’accord, super. Une nouvelle question qui m’est venue à l’instant en t’entendant Sarah, c’est du coup OK il faut poursuivre ce que l’on aime, quelque part est-ce que poursuivre ce que l’on aime ça suffit pour devenir compétent dans une certaine activité ?
Sarah Roubato
Non, clairement pas. J’ai déjà rencontré des gens qui me disaient aimer par exemple l’écriture ou la peinture. On peut aimer parce qu’on a du plaisir et c’est une activité que l’on appelle un hobby, quelque chose qui nous fait du bien. C’est autre chose quand on est habité par quelque chose qui quelque part nous dépasse, c’est un besoin. Un besoin ce n’est pas forcément toujours agréable. C’est-à-dire que l’on sent une nécessité. Bon par exemple moi c’est écrire et il y en a d’autres c’est danser, d’autres c’est faire du sport, et ça n’est pas toujours agréable mais c’est un petit différent que de dire « j’aime bien faire ça ». Quand on a une activité qui va devenir celle de toute une vie c’est-à-dire que l’on va un peu, pas la prostituer, mais un peu la salir par le quotidien, par le fait qu’il faut gagner sa vie avec, par le fait qu’il faut la faire parfois d’une manière où on fait des compromis pour essayer de la mettre dans le monde. Alors c’est tout différent de quand on est seul chez soi et que pour le plaisir on fait une toile ou on écrit, et là on n’a aucune règle, aucune obligation.
Jeff Carlotti
D’accord.
Sarah Roubato
Donc je pense que ce que l’on appelle « j’aime … » ça n’est pas suffisant. Ça n’est pas suffisant de dire « j’aime ça ». Il faut que ce soit quelque chose dans lequel, je pense on se sent exister pleinement. Il y a des moments où on se sent en harmonie totale avec un lieu, un moment. Ça peut être des choses toutes bêtes en plus. C’est-à-dire qu’il y a des ados que j’ai rencontrés qui ne savaient pas et je leur et demandé « à quel moment tu te sens vraiment en harmonie ? Ça peut être quand tu te balade au parc, quand tu joues avec ta petite sœur » et là on gratte. Qu’est-ce qu’il y a avec jouer avec ta petite sœur : c’est sortir du monde adulte, c’est le délire, c’est l’imaginaire ?
Jeff Carlotti
D’accord, on commence à gratter. Donc c’est quelque chose de beaucoup plus profond que le simple fait d’aimer faire quelque chose. C’est vraiment là où on perd la notion du temps et où on est pleinement « soi ».
Sarah Roubato
Oui on est en harmonie. Je ne sais pas c’est une espèce d’harmonie entre justement l’individu que l’on est, la petite bulle « moi », le petit cercle et le monde. Et on se dit, tout le monde a pu expérimenter ça, il y en a qui le ressentent quand ils regardent un paysage, et on se sent en harmonie avec le monde.
Jeff Carlotti
À leur place.
Sarah Roubato
À sa place. À sa place dans le moment en fait. Et après le mot « j’aime » il est assez galvaudé aujourd’hui tu sais, on clique « j’aime » on clique « je n’aime pas » assez facilement. En plus il ne faut pas l’oublier on est quand même une société de consommation donc si aimer c’est juste le plaisir d’avoir et de lâcher…
Jeff Carlotti
D’accord, plaisir éphémère.
Sarah Roubato
Plaisir éphémère oui.
Jeff Carlotti
Donc là c’est bien un plaisir qui est constant si je comprends bien. Que l’on peut retrouver tout au long de sa vie.
Sarah Roubato
Oui.
Jeff Carlotti
Et c’est un plaisir qui nous fait nous sentir à notre place et quelque part, complet.
Sarah Roubato
Et complet oui, surtout.
Jeff Carlotti
D’accord, super intéressant. Et du coup, nouvelle question : est-il possible Sarah de faire ce que l’on aime ou tout du moins ce qui nous transporte, de trouver cette harmonie aujourd’hui dans le monde dans lequel on vit et si oui, comment ?
Sarah Roubato
C’est possible d’essayer en tous cas. Je pense qu’il y a plus de possibles que ce qu’on ne croit. Parce qu’on est dans un monde où le marché du travail change. 80% des métiers de 2030 n’existent pas encore donc quand on entend ça on se dit waouh il y a tout à inventer. Donc c’est plutôt bien, c’est plutôt une bonne nouvelle. C’est possible d’autant qu’on se débarrasse des barrières qui nous empêchent, qui empêchent les gens d’aller fouiller là où ils aiment justement. Et ces barrières eh bien ce sont d’abord le regard des autres, souvent de l’entourage, l’obsession de la sécurité financière, l’obsession du salaire à tirer avec un mode de vie déjà programmé : « il faut un boulot, pour payer mon loyer, il faut payer mes sorties et mes vacances qui sont la récompense de mon bon travail pendant 5 jours sur 7 et pour qu’après j’aie des points retraites et pour que je puisse acheter ceci, cela ». Ça c’est le plan type. Si déjà on se débarrasse de ça – ça ne veut pas dire qu’on ne le fait pas – mais ça veut dire qu’on envisage qu’il y ait autre chose, un travail où on bosse à fond pendant 6 mois et que les 6 autres mois on voyage et on fait autre chose où on s’occupe de son jardin pour être autonome de façon alimentaire. Il y a plein de rythmes de vie. Moi tous les gens que j’ai enregistrés ils ont un rapport au temps différent. Ça ne veut pas dire qu’ils sont plus lents que les autres ou qu’ils sont moins dans l’urgence. Ils n’ont pas de vacances eux ils travaillent tout le temps. Mais ils ont un rapport au temps différent, ils occupent le temps différemment. Donc il y a par exemple ça. Il y a l’entourage, ce que je disais et le fait de regarder ce qui existe déjà au lieu d’essayer d’inventer. C’est-à-dire que souvent on ouvre le catalogue, le guide des étudiants des métiers avec des fiches de ce que l’on peut faire : on cherche dans les métiers. Et ça je pense que c’est complètement piège. Ça je pense que c’est naturel de la part des parents. En fait paradoxalement les parents préparent les enfants à un monde qui ne sera pas le leur. Au lieu de préparer les enfants à s’adapter au monde. C’est-à-dire que si tu donnes à tes enfants le courage, l’inventivité, la capacité de s’adapter, de bifurquer, tu le prépares beaucoup mieux que si tu lui dis il existe ça, ça cela va changer… Puisque le monde va changer. Beaucoup. Le marché du travail va changer, nos modes de vie changent. La menace sur le vivant fait qu’il y a plein de choses qui vont devoir être adaptées. Donc on peut faire ce qu’on aime si on se débarrasse de ces peurs-là. Si on arrive à être fier de son choix et même de son non-choix. En se disant « je vais tenter, je ne sais pas ce que ça va donner mais je vais tenter ». Et sans doute aussi d’aller voir ailleurs, d’aller voir autrement.
Jeff Carlotti
D’accord. Donc si je comprends bien, il faut sortir de toutes les normes sociales « il faut faire ci, il faut faire ça, un boulot bien payé, une maison, une femme, des enfants etc. Il faut s’affranchir également du regard des autres, il faut aussi plus se mettre dans l’idée de créer plutôt que de se mettre dans une case qui existe déjà et également aller voir ailleurs pour découvrir d’autres façons de penser.
Sarah Roubato
Oui. À ceci près que je ne dis pas qu’il ne faut pas avoir le modèle maison-enfants etc. Je dis simplement que ça n’est pas le seul. Il faut certainement accepter que si c’est quelque chose qui correspond aux gens, très bien. Mais quand on dit voilà, faire ce que j’aime. La question c’est d’abord, comment faire ce que j’aime ? C’est-à-dire, je le dis dans la lettre, c’est d’abord savoir est-ce que tu veux être sédentaire ou est-ce que tu veux bouger ? est-ce que tu veux travailler à l’intérieur ou à l’extérieur ? est-ce que tu veux des horaires fixes ou irréguliers ? Déjà ça, c’est énorme comme choix. Tu ne sais pas ce que tu vas faire mais tu sais que « moi je ne peux pas avoir un mode de vie régulier » ou au contraire « moi j’ai besoin d’une routine régulière pour pouvoir créer ». Ça c’est important. Ça c’est ce qui va faire qu’une activité qui à la base peut-être te plaisait ne va plus te plaire si tu le fais d’une façon particulière. Peut-être que l’activité elle te plait mais si tu la fais d’une manière où tu es derrière un bureau toute la journée et que finalement tu préfères être dehors, ou l’inverse. Ou est-ce que tu préfères être seul ou en équipe. Ça aussi. Ça peut te bousiller, pas une vocation, mais un intérêt, si d’un coup tu te rends compte que finalement tu te rends compte que le travail en équipe ça n’est pas ton truc et que tu préfères travailler seul. Donc c’est tous les comment. Il faut plus interroger les « comment » je pense, que les « quoi ». Ça aide.
Jeff Carlotti
OK. Très bien. Donc on a vu comment trouver ce que l’on aime. On a vu qu’il était possible d’essayer de faire ce que l’on aime dans la création et en partant de la possibilité qu’il existe d’autres modèles.
Sarah Roubato
Oui et puis je complète en disant que quand on dit créer, inventer, on peut avoir des envies de « moi j’aime voyager mais j’ai envie d’aider les gens » par exemple. Bon alors avec ces deux verbes, essayer de trouver des combinaisons. Mais il se trouve que je suis bon, j’adore le clown. Eh bien pourquoi tu n’inventes pas un truc où tu serais un clown itinérant, voyageur, qui va à travers les pays dans des écoles pour les enfants handicapés. À ce moment-là tu vois tu arrives à combiner et surtout tu fais quelque chose que personne ne fait. Donc si tu te débrouilles pour bien te vendre, il n’y a personne qui fait ça. Si tu aimes le maquillage, mais bon être maquilleur ou maquilleuse pour les plateaux TV, les troupes de théâtre ça tu n’aimes pas trop mais tu adores ça et tu as été formé là-dedans même, mais en même temps tu aimes bien rencontrer les gens et les mettre ensemble et tu aimes bien la bonne bouffe. Pour quoi tu n’ouvres pas un petit lieu, un restaurant, où les gens viendraient en salon de thé et se feraient maquiller. Moi j’ai rencontré une fille à Marseille qui était dans la coiffure, qui faisait ça comme job alimentaire mais qui avait toujours été fascinée par l’art. Et elle a arrêté la coiffure parce qu’elle n’en pouvait plus justement des conditions dans lesquelles c’était. Et puis elle s’est donné deux ans pour réfléchir. Elle a fait des petits jobs. Et un ami à elle, un maçon de 50 ans, lui a dit « ne lâche pas ton métier, fait-le autrement ». Et elle a ruminé ça et elle a créé un salon de coiffure galerie d’art. C’est-à-dire que chaque mois un artiste expose, elle monte l’expo avec lui, elle va faire un vernissage. Et quand la personne se fait coiffer, elle a un système itinérant, elle regarde l’expo.
Jeff Carlotti
C’est génial !
Sarah Roubato
Il y en a qu’une qui fait ça ! Donc là tu as deux choses complètement différentes, qui sont la coiffure et l’art et elle n’était pas prête à l’insécurité financière que représentait le monde de l’art. Mais elle n’était pas prête à retourner à la coiffure de façon traditionnelle. Donc elle a inventé ça. Et voilà. C’est ça quand on dit inventer. Ça n’est pas inventer de toutes pièces mais prendre des choses que l’on aime et, pourquoi ça n’irait pas ensemble ?
Jeff Carlotti
Les combiner.
Sarah Roubato
Eh bien oui, pourquoi pas ? En plus c’est gagnant je trouve car en général tu créer des choses que personne n’a imaginé avant donc c’est plutôt gagnant.
Jeff Carlotti
Du coup ça fait un positionnement très spécifique, et cela créé un petit peu. Eh bien là je viens de créer un résumé pour mon site d’un livre qui s’appelle La vache pourpre qui explique justement que, quand on crée quelque chose de spécifique qui n’existe nulle part ailleurs et bien justement ça se remarque et ça attire les gens.
Sarah Roubato
Par contre, c’est difficile. C’est-à-dire que, je le dis, dans ma lettre je dis « parfois tu vas trouver plus de difficultés à te faire une place parce que le chemin ne sera pas tracé, tant mieux tu pourras le tracer toi-même, il sera plus beau, mais ça te demandera plus de travail, de peine, de discipline ». Cela va être plus difficile, ça c’est sûr. C’est toujours plus difficile de tracer son chemin que de marcher sur celui qui existe, ça c’est indéniable.
Jeff Carlotti
Ça c’est sûr.
Sarah Roubato
Mais au final, surtout aujourd’hui, je crois que ça peut être payant.
Jeff Carlotti
Mais quelque part Sarah, vu que si par exemple on prend quelqu’un qui exerce un métier qui ne lui correspond pas, il y a quand même une source de souffrance.
Sarah Roubato
Oui.
Jeff Carlotti
Donc si cette personne en vient à se réorienter en réinventant son métier, en le faisant différemment etc. Il y aura de la souffrance mais au final le résultat ne sera pas le même car il y aura de la satisfaction dans le second cas.
Sarah Roubato
C’est-à-dire qu’on ne parle pas du même type de souffrance. Soit, tu souffres parce que tu fais quelque chose qui ne te correspond pas mais tu te satisfais par ce qu’on nous vend, c’est-à-dire la satisfaction de la consommation : on le voit les épaules qui se baissent le vendredi soir et qui remontent le lundi matin, on le voit. Donc les gens sont soulagés le week-end et ça y est ils peuvent sortir, aller au resto, c’est une espèce de bulle. Même en vacances. Il y en a qui savent profiter pleinement de leurs vacances mais il y en a beaucoup qui ont à peine le temps de sortir la tête hors de l’eau et qui doivent déjà replonger et donc je ne sais pas si c’est très sain comme mode de vie. Moi les gens que j’ai rencontrés quand je fais les portraits, ils n’ont jamais de vacances, jamais. Mais, dans leur quotidien ils ont des moments. Le boulanger il peut recevoir un client et parler 2h avec le client auprès d’un café autour de son poêle. Ça n’est pas l’un ou l’autre, mais ça se peut d’être comme ça. Donc après quand tu fais ton propre chemin tu as la souffrance de savoir est-ce que le monde va accepter ce que tu proposes, au moins elle est mise au service de quelque chose en lequel tu crois et ça ne veut pas dire que tu vas forcément y arriver mais je pense qu’on se sent plus en paix avec ce que l’on fait. Même si on galère. On est plus à l’écoute de ce dont on a besoin. Au lieu de s’anesthésier et de se dire – il y a quand même le regard – « bon regarde, tu as un travail, tu as un toit, tu as un prêt à la banque, tu t’es acheté une voiture ». Et après on s’étonne de voir des gens exploser, soi-disant pour rien, avec des burn-outs, des dépressions, etc.
Jeff Carlotti
D’accord, donc ça revient vraiment à apprendre à se connaitre et à faire en sorte de faire quelque chose qui nous corresponde, qui nous fasse nous sentir à notre place.
Sarah Roubato
Eh bien l’idée c’est qu’on a – à moins de croire à la réincarnation, ce qui est possible – qu’une vie. Je ne vois pas pourquoi on nous la confisquerait, je ne vois aucune raison légitime.
Jeff Carlotti
OK. Donc Sarah si tu devais donner un conseil, soit à quelqu’un qui réfléchit à sa réorientation, quelqu’un qui cherche un emploi, quelqu’un qui est déjà en poste mais qui a envie de changer, qu’est-ce-que tu aurais envie de donner comme conseil ?
Sarah Roubato
Il y en aurait peut-être deux simultanément. Ce serait de se donner le temps, de fouiller, d’explorer, de ne pas savoir et de se tromper. Tout ça ensemble. C’est-à-dire que souvent les gens attendent et se disent « je ne vais pas lâcher ça tant que je ne sais pas où je vais ». C’est d’abord de se laisser le temps de décanter, de relâcher les parasites qu’on a, de s’écouter, d’être attentif à soi. Donc c’est un moment d’incertitude et l’inefficacité. Et on est dans une société où on refuse l’inefficacité. Donc s’autoriser ça. Comme cette coiffeuse dont je parlais : elle s’est donné deux ans. Et je connais beaucoup de gens comme ça qui ont osé lâcher, ne rien faire et se dire « là je ne sais pas, je me pose ». Et d’autre part, aller voir ailleurs. Il n’y a pas que la France, il n’y a pas que ta ville. Si tu vis en ville il y a quelque chose qui s’appelle les campagnes, c’est magnifique ce qu’il se passe en campagne, les gens n’ont pas idée de ce qu’il se passe en campagne. Je ne prêche pas forcément pour la campagne mais il y a ailleurs qui existe, donc : va voir, donne-toi un mois ! Va voir. Et va voir déjà sur internet, te renseigner, rencontrer ou skyper des gens dans d’autres pays qui font ton métier. Sors de ton nombril. De ta ville, de la France. Ça ne veut pas dire que l’on va aller vivre ailleurs qu’en France après mais c’est aller prendre l’air, ouvrir les horizons.
Jeff Carlotti
C’est super. Merci beaucoup Sarah.
Sarah Roubato
Merci à toi !
Jeff Carlotti
Et merci beaucoup à vous, de nous avoir écouté jusqu’à la fin et je vous dis à très bientôt ! Au revoir !
Sarah Roubato
À bientôt.
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Bonjour Jeff,
Le métier de Sarah est intéressant. Son approche du futur professionnel devrait intégrer le système scolaire à une échelle internationnale.
Il est important de savoir se poser les bonnes questions et de dédramatiser le temps nécessaire pour chaque individu.
Je vous remercie de partager vos recherches et entrevues; elles m’aident dans mes démarches personnelles et professionnelles.
Cordialement,
Isabelle
Bonjour Lumia !
Merci pour cette belle synthèse !