AVANT de chercher du travail, cherchez ce qui vous rend unique ! – Interview de Marielle Barbe
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Jean-François
Bonjour à vous, voici ma vidéo, une nouvelle interview pour le blog Ma carrière en main.
Je suis Jeff Carlotti et aujourd’hui j’accueille Marielle Barbe qui a de multiples métiers et qui est notamment l’auteur d’un livre qui s’appelle Profession Slasheur.
Bonjour Marielle.
Marielle Barbe
Bonjour Jeff et bonjour à tous.
Jean-François
Je vais te laisser te présenter un petit peu plus en détail pour nos auditeurs.
Marielle Barbe
Alors comme tu disais je suis une slasheuse. J’ai toujours été une slasheuse, c’est-à-dire une personne qui a toujours eu plusieurs activités professionnelles en même temps. Mais je ne l’ai pas su pendant très longtemps. J’ai découvert que j’étais une slasheuse à 45 ans. Ça m’a sauvé la vie de découvrir que je n’étais pas une personne qui était anormale pour le monde du travail, que je n’étais pas une extra-terrestre.
Donc j’ai découvert cela totalement par hasard en lisant un petit article dans un magasine féminin qui faisait suite à la sortie d’un livre qui est le seul livre qui existe aux Etats-Unis sur ce sujet, qui a été écrit par Martial Bower et qui est sorti en 2007 de mémoire. Donc ça fait déjà plus de 10 ans.
Je me suis dit « Ouf ! ».
Bon après j’ai découvert cet article qui disait que les slasheurs, c’est-à-dire les personnes qui avaient plusieurs activités professionnelles à la fois étaient des personnes très agiles qui savaient rebondir, qui n’avaient jamais les 2 pieds dans le même sabot ni dans le même job.
Sauf que l’article disait bien que c’était aux Etats-Unis et on a toujours un bon train de retard sur certains sujets, donc je me suis dit « Bonne nouvelle, c’est aux Etats-Unis, mauvaise nouvelle, ce n’est pas encore prêt ici. »
Donc moi j’ai mis aussi un peu de temps derrière à l’intégrer, à l’assumer réellement. Je commençais à le dire du bout des lèvres.
Et puis un jour j’en ai parlé à quelqu’un qui a dit « Ah génial ! Moi aussi je suis slasheur, je l’ai entendu quelques semaines plus tard sur France Inter dire qu’il était lui-même slasheur. Je me suis donc dit « Bon, si je l’assumais vraiment. »
Ensuite il y a eu d’autres évènements de ma vie professionnelle qui ont fait qu’on me reprochait tout le temps de ne pas être spécialiste, spécialisée, experte de quoi que ce soit. Et puis ça a fini par être vraiment douloureux d’entendre ça.
Et un beau jour je me suis réveillée en me disant que je reproche aux autres de me demander d’être experte pour pouvoir faire certaines choses mais finalement moi-même je me coupe toute seule les ailes et c’est moi-même qui essaie de rentrer toujours dans une case pour me conformer à un profil classique. Parce qu’aujourd’hui, quand on va dans un diner, chez des amis, qu’on rencontre quelqu’un, et qu’on vous dit :
« Et toi tu fais quoi dans la vie ? »
Jean-François
La grande question…
Marielle Barbe
C’est beaucoup plus simple de dire « Je suis ingénieur. Je suis directrice marketing. », d’avoir une seule étiquette. Moi pendant des années je disais « Heu… Heu… enfin… heu…. Comment te dire… c’est compliqué… alors aujourd’hui je fais ça, hier je faisais ça, mais demain je ferais ça mais je ne fais pas que ça ». Enfin bon personne n’y comprenait rien, c’était totalement inconfortable pour moi.
Un beau jour j’ai fini par l’assumer et dire que finalement ma vie professionnelle, ma réalisation et mon épanouissement professionnel et personnel passent par le fait d’avoir plusieurs cordes à mon arc et de faire plusieurs choses en même temps.
Et en interviewant quelqu’un dans un livre j’ai compris. Il m’a donné la clé qui m’a été essentielle. Il m’a dit « Moi pour trouver mon équilibre dans ma vie personnelle et professionnelle j’ai besoin que mes activités fassent appel à la fois à la tête, au cœur, et au corps. Et l’équilibre tête – cœur – corps c’est la définition de la santé de l’OMS.
La santé c’est un équilibre tête-cœur-corps. C’est-à-dire qu’il faut que la tête fonctionne bien. Que le cerveau fonctionne bien. Que notre corps fonctionne bien. Qu’on est des relations sociales épanouissantes.
Donc ça, ça contribue à un équilibre global et qui contribue à la santé globale.
Donc je me suis dit que c’est incroyable. Parce que finalement, en commençant le livre, j’ai revisité mon parcours et je me suis rendu compte effectivement que j’avais toujours besoin d’une activité et d’une autre et parfois d’une troisième et que ces activités effectivement contribuaient à cet équilibre tête-cœur-corps. Supposer quelque chose qui avait un lien avec le corps, le coaching, la voix, le souffle, le massage.
J’avais besoin d’activités intellectuelles : Ecrire, inventer des usines à gaz, les projets etc.
Et puis j’avais aussi besoin beaucoup d’être dans le relationnel : j’ai créé des réseaux, créer des interactions entre les gens. J’adore travailler de manière orale avec des gens en intelligence collective etc.
Donc j’ai compris tout ça. Et j’ai fini par me dire « Stop » de me dire que ce sont les autres, la société, qui est comme ci, comme ça. J’assume de fonctionner comme ça et donc je me suis réveillée ce jour-là et je suis allée sur mon ordinateur. Et comme j’ai travaillé longtemps dans la communication je me suis fait mon petit site maison en écrivant Marielle Barbe Slasheuse.
J’ai fait ce jour-là mon coming out professionnel. Et ma vie à partir de là a totalement changé.
Jean-François
Ok super ! Merci Marielle pour ce reportage ! Et pour nos auditeurs, est-ce que tu veux bien préciser en quoi consiste la notion de slasheur ?
Marielle Barbe
Être slasheur ça vient du mot slash, de la barre oblique qu’on a sur nos ordinateurs.
Là, j’arrive du Québec où j’étais au mois d’août pour préparer mon second livre et j’ai rencontré une personne qui est une femme de mon âge à peu près, qui est pilote de ligne chez Air Canada, ça c’est sa formation principale. Mais comme aujourd’hui elle travaille uniquement 15 jours par mois, c’est un métier très fatigant donc elle a beaucoup de jours de récup, elle a créé une société pour être décoratrice d’intérieur.
Donc elle est pilote de ligne / décoratrice d’intérieur / numérologue, parce qu’elle est passionnée par la numérologie donc maintenant elle a suffisamment d’expertise pour pouvoir partager ça avec des gens.
Être slasheur c’est ça. C’est être postier / ingénieur du son / prof de maths.
Voilà.
Et aujourd’hui, il n’y a pas une journée où je ne rencontre pas quelqu’un qui me dit « Incroyable, je le suis moi aussi » avec des profils inimaginables.
Jean-François
C’est vrai qu’une fois qu’on est sensibilisé à cette notion de slasheur…
Marielle Barbe
On en voit partout et surtout je vois aussi beaucoup de gens, là j’étais à une terrasse de café vendredi pour un rendez-vous professionnel, et j’ai offert mon livre à la personne avec qui je déjeunais. Elle m’a demandé une petite dédicace et pendant qu’elle est allée payer le déjeuner il y avait 4 personnes à côté de moi aux tables à côté qui m’ont vraiment sauté dessus en disant « Mais c’est quoi ? Mais moi aussi je suis slasheur ».
Ce qui est intéressant c’est de voir finalement que là des gens ignorent ça. C’est pour ça que même les chiffres qui sont annoncés par le salon SME qui est la seule structure qui mène une étude sur les slasheurs et qui dit qu’aujourd’hui on est 4.5 millions de slasheurs en France et que sur ces 4.5 millions, ce qui correspond à 16% de la population active, c’est quand même énorme, et donc que sur ces 4.5 millions, 70% des slasheurs le sont par choix.
Mais moi je pense qu’en réalité on est bien loin des chiffres parce qu’énormément de gens sont slasheurs mais n’en n’ont pas conscience. Ils ont un métier, et à côté ils font des petites choses. Ils bricolent. Ils ont une petite activité qui les passionne, rémunérée ou pas d’ailleurs. Et quand on commence à parler de ça avec les gens, moi c’est ça qui a été le déclic pour écrire le livre, en fait y’en a partout. Y’en a beaucoup qui s’ignorent, y’en a beaucoup qui souffrent de ne pas se sentir légitimes dans cette manière de fonctionner, de se sentir justement anormaux.
J’ai voulu donc écrire ce livre. Mais finalement il y a énormément de gens qui le sont sans le savoir.
Jean-François
D’accord donc c’est vraiment une prise de conscience.
Marielle Barbe
Je suis allée à un diner aussi la semaine dernière et il y avait un banquier qui était là. Et en parlant avec lui il m’a dit « ah ben moi aussi je suis slasheur ». Parce qu’à côté de son activité principale avec laquelle il gagne le plus sa vie, il fait plein d’autres choses.
Jean-François
Ok, super ! Du coup ça fait une excellente transition par rapport à tout ce qui est orientation professionnelle.
Marielle, quel est ton point de vue pour identifier le ou les métiers qui sont susceptibles de nous correspondre ?
Marielle Barbe
Alors ça, c’est la question, à mon sens, clé. Mais je dirais que cette question clé il faut partir de loin. C’est-à-dire que pour moi tout l’enjeu se situe au niveau de l’éducation, de l’école et qu’aujourd’hui l’école, à mon sens, est totalement inadaptée pour aider les enfants et donc les futurs adultes, à trouver ce pour quoi ils sont faits et ce qui leur correspond.
On apprend des choses à l’école qu’on oubliera aussitôt qu’on sera sorti de l’école parce qu’on aura bachoté, qu’on apprend, qu’on aura ingurgité des infos qui ne nous serviront à rien.
A mon sens, l’école aujourd’hui, au-delà des apprentissages basiques du calcul, de savoir écrire, de savoir parler, de savoir se comporter de manière correcte en société etc, d’acquérir des valeurs de bases en fait surtout qui sont capitales pour vivre ensemble, elle devrait avant tout permettre 2 choses :
- Elle devrait permettre aux enfants de découvrir qui ils sont tout au long de leur scolarité.
C’est-à-dire qu’au lieu d’avoir une heure d’instruction civique, si on avait une heure pour découvrir quels sont mes talents, quelles sont mes compétences, quelles sont mes formes d’intelligences les plus fortes, de comprendre dans quels éléments ils se sentent bien, ce qu’ils font avec le plus d’appétence, avec le plus de facilité etc, le monde tournerait beaucoup beaucoup mieux parce que tout le monde serait à sa place et on ne serait pas dans la compétition. On chercherait plutôt à développer sa singularité.
Voilà donc ça c’est le premier point. Et ça devrait commencer à la maternelle en réalité.
Jean-François
D’accord, donc si je résume juste ton premier point Marielle, c’est de dire qu’il faut trouver ce que l’on aime faire, trouver ce pour quoi on est bon.
Marielle Barbe
- Déjà se comprendre. C’est vraiment le « connais-toi toi-même » de Socrate.
On ne peut pas nous demander après à 14 ans « Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? Choisis une orientation pour le lycée », si on ne nous a pas donné les clés. Parce que si on a la chance d’avoir des parents qui ont les clés pour ça, et encore les parents ne sont pas forcément les mieux placés pour nous aider parce que dans l’adolescence on est plutôt en rébellion.
Mais si l’école avait fait ce job-là de nous aider à nous connaitre, moi je vois j’ai une fille qui a 15 ans, on lui a demandé en 4ème de répondre à un petit questionnaire justement sur ce qu’elle aime, ce qu’elle n’aime pas etc, sans lui donner aucune clé.
Et un enfant, moi je vois quand je fais des ateliers en entreprise, quand on demande à un adulte « Quels sont tes talents ? », il est incapable de le dire. Parce qu’un talent c’est quelque chose qu’on fait de manière tellement naturelle qu’on n’a même pas conscience que c’est une valeur ajoutée.
On le fait depuis toujours. Si on sait très bien dessiner, on sait très bien dessiner mais ça nous parait normal de savoir bien dessiner. Moi j’étais douée pour la communication, pourtant j’étais super timide. Donc j’aurais été incapable à 14 ans de dire qu’un jour j’allais donner des conférences, prendre la parole en public. Mais les autres auraient pu me le dire.
Parce que malgré tout les autres me disaient « Mais toi t’es un réseau ambulant ». Si on faisait ça, par exemple des ateliers à l’école en disant aux enfants, plutôt que de « Remplis sur une feuille pour quoi t’es doué », en les mettant avec leurs meilleurs copains et en demandant aux meilleurs copains de dire « Ah bah tient, comment tu la perçois cette personne ? C’est quoi ces qualités principales ? C’est quoi ce qui est compliqué pour elle ? ». D’avoir des regards extérieurs qui aident.
Enfin il y a mille choses à faire et des choses hyper simples, hyper basiques vraiment ! Parce que moi je le vois, quand je fais des ateliers, pendant une heure et demie à l’heure du déjeuner sur un mode totalement informel, ça fait des merveilles.
Donc avec des enfants qui ont ce goût de la curiosité et qui pourraient totalement aussi d’avoir la curiosité de devenir des explorateurs de leur propre personnalité, on pourrait faire des merveilles.
Donc ça c’est le premier point. C’est le côté « Connais-toi toi-même ».
- Et la deuxième chose que l’école devrait apprendre, c’est à continuer à encourager l’enfant à être l’explorateur justement et l’aventurier qu’il a été dans les 3 premières années de sa vie quand il a tout appris simplement parce qu’il était curieux, enthousiaste et qu’il essayait de marcher et qu’il tombait mais qu’il ne s’arrêtait pas parce que si on tombait et qu’on s’arrêtait sans essayer de se relever, on ne marcherait jamais.
L’enfant il le fait. Il suffit de regarder un tout petit enfant. Il a une détermination parce qu’il est juste porté par la curiosité et l’enthousiasme.
Mais si l’école encourageait cette curiosité, cet enthousiasme, ce côté découverte chez l’enfant et surtout l’encourager en lui disant « Ok tu tombes, au lieu de te prendre un D ou un E ou un C, on va te dire Bravo tu es tombé, et c’est parce que tu es tombé que tu vas savoir rebondir et faire le pas suivant ».
- Et l’école aujourd’hui qu’est-ce qu’elle fait ?
Au lieu d’encourager à apprendre en se trompant, elle dit « attention, tu as interdiction de te tromper. Parce que quand tu te trompes tu as une sanction ».
- Comment on peut encourager des gens à être agile, à rebondir, à prendre des risques ?
Aujourd’hui il y a une étude qui est sortie aux Etats-Unis qui a été menée par une chercheuse qui s’appelle Caroll Doumecq que j’ai aussi dans le livre, c’est une psychologue de la réussite. Elle dit que finalement, la réussite, les facteurs sont liés à nos conditions sociales, notre niveau d’études, l’environnement dans lequel on a grandi, c’est très très peu en comparaison à notre état d’esprit.
C’est-à-dire qu’il y a des gens qui réussissent très bien simplement parce qu’ils ont un état d’esprit, ce qu’elle appelle de développement. Et justement ce sont des gens qui n’ont pas peur de tomber, de se tromper, de se planter, d’échouer, parce qu’ils savent toujours rebondir.
Et puis il y a d’autres personnes qui ont un état d’esprit fixe, qui ont tellement peur de se tromper qu’elles ne rebondiront jamais même si elles ont fait les meilleures études, étaient dans le meilleur métier du social qu’il est possible d’imaginer etc.
Bon après moi j’ai un avis aussi assez tranché par rapport à ça, c’est que je pense qu’en réalité notre cerveau, quand on vient au monde, il est fait pour la curiosité et l’enthousiasme.
Aujourd’hui il y a plein d’études qui nous disent que les 2 poisons qui empêchent notre cerveau de créer des nouveaux neurones actifs, donc régénérés, parce que pendant des années on a cru qu’on avait un stock de neurones et puis qu’on les perdait au fur et à mesure qu’on vieillissait. C’est faux. Ils se régénèrent en permanence, à une condition :
- Qu’il n’ait pas trop de stress.
- Qu’il ne soit pas dans la routine.
Jean-François
D’accord donc dans l’apprentissage mais dans un environnement d’ailleurs.
Marielle Barbe
- Et qu’est-ce qui se passe à l’école ?
On stresse nos enfants parce qu’on leur demande d’avoir des résultats avec des notes potables et ils sont dans la routine. Tous les jours on leur apprend « allez vas-y gave toi ». On ne leur apprend pas à être aventurier, de prendre des risques, de chercher par eux-mêmes. Les classes inversées c’est juste dans quelques petites expérimentations à droite et à gauche. Mais on sait aujourd’hui. On a toutes les clés, toutes les infos sur tout ce qui fonctionne et qui fonctionne aussi par rapport à notre cerveau.
On sait qu’on a différentes formes d’intelligences. C’est pas du tout intégré à l’école etc.
- Et à côté qu’est-ce qui se passe dans le monde de l’entreprise ?
Les entreprises, pour des raisons économiques, parce qu’on est dans des crises sans précédent, mettent de plus en pus de stress qui arrive comme ça sur les collaborateurs.
- Et par ailleurs qu’est-ce qu’on fait dans une entreprise ?
On rentre, on vous dit « t’as vu la belle fiche de poste que tu as ? Tu vas t’éclater ! Super ! »
Sauf que ma fiche de poste, elle reste figée, alors que moi je me forme en permanence, je me nourris en permanence et de plus en plus aujourd’hui avec l’accès à toutes les informations qu’on a.
Donc ma fiche de poste reste figée quand moi je commence à avancer, avancer et à me dire qu’au bout d’un an je suis déjà à l’étroit, comme on dit à Marseille, esquichée devant ma fiche de poste et j’en peux plus.
Donc aujourd’hui il y a un vrai décalage dans le monde de l’entreprise parce qu’on a encore cette foutue fiche de poste qui fige les gens et on leur dit de ne surtout pas trop déborder parce que toi t’es là et pas là.
Mais en revanche, ce que les entreprises ne voient pas, et j’entendais encore ce matin une interview sur les enjeux de la formation professionnelle pour permettre à certains secteurs, on est quand même dans une crise de l’emploi sans précédent, et certains secteurs n’arrivent pas à recruter de gens.
Alors on dit qu’on va sortir la carte de la formation. Mais ce n’est pas ça la clé.
La clé c’est « Bon sang ! Aujourd’hui une personne est en évolution constante. Elle sait qu’elle ne sera pas toute sa vie dans le même métier. Le CDE a annoncé que les moins de 30 ans feront 15 métiers, pas jobs, en moyenne dans leur vie. Et nous on nous conditionne encore à l’école pour choisir un métier, qui sera peut-être totalement obsolète dans 10 ans.
Les mentalités aujourd’hui ont évoluées. Les gens sont complètement dans ce sentiment que ça va évoluer tout le temps, même si ce n’est pas conscient, qu’ils vont changer tout le temps, qu’ils vont se réinventer tout le temps.
Ce n’est même pas se reconvertir, parce que pour moi justement la question de la reconversion elle est obsolète.
Ce n’est même pas une reconversion perpétuelle. C’est une évolution professionnelle. Sauf que le monde de l’entreprise n’a pas du tout intégré cette notion-là. Et c’est ça le décalage. C’est pour ça qu’on n’arrive pas à recruter des gens.
Et là j’étais à Montréal, et j’ai rencontré des gens du gouvernement qui ont lancé un projet que je trouve formidable parce que ce comme c’est le plein emploi là-bas ils ont des problèmes pour retenir les talents et recruter. Donc le gouvernement n’arrive plus à recruter de fonctionnaires. Donc c’est un vrai problème.
Donc ils ont lancé un projet pilote qui s’appelle « Les agents libres ». J’adore le nom. L’idée finalement, on devient un peu un agent secret du gouvernement, un agent libre, qui va travailler par mission. Donc à partir du moment où on accepte d’être un agent libre, on nous demande nos compétences, nos envies, et en face voilà quelles sont les propositions qui peuvent rentrer dans ton cas.
Donc il y a une mission au ministère des transports est-ce que ça t’intéresse ? Ça dure un an. Ok j’embarque sur cette mission.
Au bout d’un an, on me dit que la mission est terminée. Aujourd’hui t’en es où ? T’as acquis quoi comme compétences ? Quelles sont tes envies du moment ? Alors il y a une mission dans telle institution qui pourrait te correspondre, de 12 mois, 18 mois etc.
Et donc toute la vie ils vont changer de mission.
Et c’est tellement malin ! C’est tellement intelligent !
Si aujourd’hui on ne va pas vers ce type d’évolution dans le rapport qu’on a au travail, il y a des secteurs qui vont être sinistrés. Il y a des entreprises qui ne voient même pas arriver le mur en face. C’est évident.
Et même les entreprises qui, il y 10 ans, étaient des entreprises où tout le monde rêvait d’aller, aujourd’hui ils sont obligés d’inventer des usines à gaz pour se dire comment on va retenir de nouveaux talents, et déjà comment on va les attirer. Les retenir c’est autre chose.
Jean-François
Ok d’accord. Donc c’est vraiment la problématique sur le recrutement compte tenu de leur évolution.
Marielle Barbe
Et la rétention des talents. C’est normal, il y a un tel décalage entre ce que le monde de l’entreprise propose et ce qui est dans la tête des jeunes. Moi je vois ma fille, elle ne se dit pas « tient, j’ai lu le truc du CDE je vais faire 14 métiers dans la vie ». Mais elle le sait intuitivement. Les jeunes sont câblés comme ça. Ils en ont l’intuition au fond de leurs tripes.
Et eux ne sont plus prêts, comme mes parents ou même moi, à se dire « aller il faut bosser, c’est pas grave si je vais au boulot en étant malmené par mon boss, c’est pas grave si mon manager n’a aucune considération pour moi, allez vas-y, prends sur toi, t’as mal au bide mais c’est pas grave etc ».
Les jeunes ne sont plus du tout prêts à ça. Pourquoi ?
Parce que je parlais avec quelqu’un qui sort d’EHEC il y a quelques jours, qui disait « Là je suis dans la com’, je suis à peine payé au smic, je suis malmené, je travaille sur des missions qui ne m’intéressent pas du tout, je ne produis aucun sens pour la société ni pour moi. Je préfère 10 fois avoir 2 ou 3 jobs, un alimentaire et 2 ou 3 jobs qui m’éclatent à côté, que d’être là ».
Donc aujourd’hui, je dis souvent ça dans mes conférences, je pense que le prochain demi-tour ça va être balance ton job de ***** et balance ton manager.
Les pouvoirs publics et les entreprises n’en n’ont pas conscience parce que ça se fait de manière très lente. Ce n’est pas une révolution. Les jeunes ne sont pas dans la rue en disant « Balance ton job de merde ! ». Ils rentrent juste dans un job, et au bout de 6 mois ou un an ils disent que c’est pas du tout pour eux, c’est un peu ce que toi tu as vécu aussi.
Si ça ne me correspond pas, pourquoi je vais m’obliger à vivre ça. Et en plus je suis mal payé, la retraite je ne l’aurais jamais, que toutes ces promesses-là sont totalement obsolètes. Donc autant vivre la vie qui me ressemble, où je me sens aligné, ou je produis du sens pour moi et pour la société.
Jean-François
Ah oui je valide complètement aussi cette notion de finalité. Que notre travail améliore de manière globale la communauté dans laquelle on vit.
Super merci Marielle !
Autre question : si je comprends bien, c’est important si on cherche du travail de se concentrer sur ce qu’on aime faire, là où on est compétent, la finesse de notre travail, l’environnement idéal. Et dans le processus de recherche d’emploi, est-ce que tu aurais également des conseils pour mettre en avant cette unicité, ses compétences etc ?
Marielle Barbe
C’est une question tellement large… écoute, moi évidemment je regarde les choses par la lorgnette d’un slasheur. Parce qu’en fait en réalité, je pense qu’on est tous slasheur.
On ne le sait pas, on nous a formaté à devenir des experts, et je vois même des personnes qui sont des experts qui sont des chercheurs, des personnes qui ont besoin de développer une expertise, un slasheur ce n’est pas forcément quelqu’un qui est justement comme on le laisse croire, un touche-à-tout.
On peut devenir très vite un expert.
Mais ce n’est pas pour autant qu’on n’a pas d’autres choses qui nous intéressent à côté.
Donc moi je pense qu’on est tous slasheur et que si on nous déconditionnait à nous programmer à choisir un seul métier en nous disant « ta carrière tu vas la construire pas comme un petit parcours avec des petites routes ». Pour moi le parcours professionnel ce sont des itérations. On fait des boucles. On fait une boucle, on explore un sujet. En explorant ce sujet on découvre d’autres sujets connexes, et on se dit que c’est génial donc on le prend dans notre sac et on l’embarque, et on explore notre boucle.
Sauf que là aujourd’hui on nous dit « le parcours professionnel c’est une carrière. Tu fais des bonnes études qui vont t’ouvrir des portes pour entrer dans une grosse boite où tu vas monter des échelons. »
Là l’épanouissement personnel, le fait de pouvoir découvrir qui on est, être aligné entre ses aspirations et ce qu’on peut apporter à la société. Là y’a un vrai souci.
Moi je considère que si on nous accompagnait avec cette autre norme qui serait de déployer toutes nos formes d’intelligences, de déployer tous nos potentiels, de devenir un vrai petit diamant qui va se façonner au fil de la vie à l’infini avec à chaque fois des nouvelles facettes, on serait tous slasheur.
J’en suis convaincue. Tout ce que je lis sur les neurosciences, sur le cerveau, me conforte dans cette intuition que j’ai qu’en réalité notre cerveau ne demande que ça.
Toutes les recherches sur l’apprentissage etc prouvent ça.
Donc ça c’est une chose.
Si je pars de ce postulat-là, je dirais que le conseil que je donnerais c’est déjà de bien se connaitre. De découvrir toutes les facettes qu’on a, toutes les pièces de puzzles qu’on peut avoir dans sa mallette à un instant T. ces pièces sont évolutives.
C’est-à-dire qu’on part d’un tout petit puzzle et finalement on va faire un puzzle géant.
Tout l’enjeu après c’est de regarder ce puzzle, ce diamant avec ses multiples facettes et de se dire « OK. Qu’est-ce que ça raconte de moi tout ça ? Ce paysage que je vois, ce puzzle, il raconte quoi de moi ? Qui je suis ? Qu’est-ce qu’il traduit de ma raison d’être ? De ce qui me donne envie de me lever le matin ? De contribuer à mon épanouissement ? De contribuer au bon sens du monde ? Qu’est-ce que ça raconte de moi ? »
Alors souvent dans les ateliers, c’est finalement trouver le fil conducteur de tout ça. Qu’est-ce qui est commun à tout ça et qu’est-ce que ça raconte de moi ?
Une fois qu’on a trouvé ça, c’est finalement ni plus ni moins le pivot de ce diamant. Le point d’ancrage de ce diamant qui fait quelle que soit la facette ou les facettes qu’on va faire rayonner, c’est toujours moi et je suis toujours centré, je suis toujours aligné.
C’est un fil conducteur. Un fil rouge de sa vie qu’on retrouvera toute sa vie.
Et si on le questionne, quand je fais ce travail-là en coaching, on voit que ça a toujours été là, même quand on était petit. Ça prenait d’autres formes mais c’est toujours la même chose.
Souvent les gens me disent « moi c’est changer le monde ». Ok. A part d’être le pire des salauds, on a tous envie de contribuer au bon sens du monde et à notre épanouissement et celui de nos proches.
- Mais pourquoi tu veux changer le monde ?
- Et comment tu le changes toi ?
Parce que finalement on le fait tous de manière différente. Par exemple :
- En nettoyant les océans
- En sauvant des vies en étant pompier
- En étant dans l’enseignement
Pourquoi et comment tu le fais ? Donc là après c’est justement d’identifier sa patte, son ADN, sa singularité, son essence. Plus on découvrira cette singularité et c’est pour ça que les slasheurs sont supers intéressants.
Parce que si je suis directeur marketing, y’a que des clones dans toutes les grandes entreprises. Mais si je suis directeur marketing et en même temps en train de me certifier pour être prof de yoga, et qu’en même temps je donne des ateliers d’écriture dans des prisons. Là tout d’un coup, quand je vais croiser ses 3 facettes ensemble, ce qui va être intéressant c’est de voir justement le carrefour des 3 facettes. Qu’est-ce que ça raconte de moi. Peut-être même parfois ça crée une nouvelle compétence. Par exemple dans le livre j’ai interviewer une journaliste qui, pour des raisons économiques, est devenue slasheuse mais finalement maintenant le reste parce qu’elle comprend que ça l’éclate complètement d’avoir cet équilibre entre journaliste et home staging et déco d’intérieur. Comme elle est devenue décoratrice d’intérieur, elle a communiqué sur les réseaux sociaux et on lui a proposé à un moment une mission de rédactrice dans un nouveau média sur la déco.
Donc c’est ça qui est intéressant.
Comment, à ce carrefour-là, il se passe quelque chose qui va créer parfois soit une idée incroyable d’inventivité, de créativité, d’innovation, soit une nouvelle compétence, soit une nouvelle opportunité professionnelle.
Et ça, ça crée la singularité. Et ce qui fait qu’à un moment on est le clone de personne, on est singulier, et si on me recrute j’ai des arguments pour dire « Ok, oui je suis directeur marketing, mais je suis aussi ça, et là je peux vous apporter une valeur ajoutée parce qu’il se trouve que j’ai un blog et que je suis un super Community manager, je peux aussi intervenir, je dis n’importe quoi, mais si je travaille chez Décathlon, sur le bien-être parce que justement je fais du yoga ».
Et cette richesse-là etc totalement occultée dans les entreprises. On ne s’en intéresse même pas. Et pour une personne, au plus elle va identifier sa singularité, plus elle va pouvoir défendre et argumenter à quel point elle est la bonne personne et justement cibler les entreprises aussi qui lui correspondent. Voilà.
Jean-François
D’accord. Donc si je comprends bien, c’est premièrement apprendre à se connaitre en trouvant les dénominateurs communs entre toutes les expériences. Et c’est en faisant cette recherche-là qu’on va savoir, je prends ton exemple, je sais que moi j’aime mettre du sens, chercher le sens des choses. Et dans tout c’est un petit peu le dénominateur commun qui tourne autour de mes expériences.
Donc moi ça m’aide beaucoup à savoir ce que je recherche. Et c’est vrai que comme tu le dis Marielle, quand on a différentes expériences qu’on aime croiser, c’est là qu’on découvre de nouvelles choses et qu’on a vraiment une valeur ajoutée supplémentaire à consacrer et du coup en entretien ça va nous permettre de sortir du lot.
Marielle Barbe
D’avoir des arguments concrets. Ce n’est pas « prenez-moi parce que j’ai très envie ». C’est « Voilà quelles sont mes compétences ». C’est aussi ça d’assumer complètement. Moi il y a des choses que je n’ai pas envie de faire ! Donc j’ai fait de la com’ pendant longtemps. C’est aussi d’être au clair sur ses envies.
Dans n’importe quel job il y a des choses qu’on a moins envie de faire mais on est obligé de les faire.
Mais en même temps c’est bien de ne pas se tromper. Aujourd’hui il y a encore des gens qui me proposent des jobs dans la com’. Je suis très claire. Je dis qu’aujourd’hui c’est peut-être un endroit où j’ai le plus de compétences, mais j’ai plus du tout envie. Donc je ne vais pas être bonne parce que je n’ai pas envie.
En revanche, je n’avais jamais écrit de livre mais j’avais très envie d’écrire ce livre pour justement partager mon expérience et aider des personnes à gagner du temps et peut-être se reconnaitre dans leur globalité, dans leur complétude plutôt que de batailler pour les utilités. Mais ça a été facile, laborieux car c’est un vrai travail mais grâce à ça j’ai pu dépasser mes peurs. J’ai pu faire quelque chose que je n’avais jamais fait en me sentant légitime comme je ne me suis jamais sentie légitime parce que justement j’en avais une immense envie et que c’était extrêmement juste pour moi de le faire.
Et ça pour moi c’est la clé. C’est-à-dire que plus on va être dans son ou ses éléments qui regroupent plusieurs facettes, et qu’on va être aligné vraiment entre ses envies et ce qu’on est capable d’apporter. Il ne faut pas rêver et se mentir sur soi-même pas du tout, au contraire, d’être très clair en disant « là-dessus, franchement, moi je sais que je suis nul pour gérer une boite, monter une boite, ça ne m’intéresse pas. Toute la partie administrative, rien que d’y penser j’ai envie d’aller me coucher voilà. Donc ce n’est pas la peine que j’y aille. Il vaut mieux que je délègue ça à des gens qui aiment le faire, parce qu’il y a des gens qui adorent être comptable, c’est leur kiff, et que je sois efficace exactement à l’endroit où moi je me sens dans ma pleine réalisation et totalement alignée à ma place.
Jean-François
Et ce qui est génial c’est que du coup, ce que ça m’évoque ce que tu dis Marielle, c’est qu’il y a de la place pour tout le monde, parce que chacun à une personnalité.
Marielle Barbe
Parfaitement. Et j’aime beaucoup ce que dit Ken Robinson. C’est un spécialiste de l’éducation qui a écrit le livre formidable qui s’appelle L’élément ou comment trouver son élément.
Il dit souvent que c’est bien beau de trouver son élément mais si on trouve tous notre élément il n’y aura plus de femme de ménage, d’éboueur etc. Mais il dit aussi, détrompez-vous ! Il y a des personnes qui adorent et qui vont au boulot en prenant un plaisir énorme !
Donc oui, je pense que si on encourageait chacun à trouver son élément on serait d’abord peut-être inventif. L’école devrait nous amener à ça, juste à ça. Pas à se dire si tu vas faire maths, économies ou langues. Ce n’est pas ça la vie. Ce n’est pas des maths de l’économie et des langues. On oublie complètement plein de pans de la vie, de choses qui sont importantes qui existent. C’est incroyable !
Jean-François
Super. Du coup tu as évoqué la prochaine question : Est-ce qu’il y a des difficultés qu’un slasheur rencontre ou peut rencontrer habituellement ou que tu as rencontré éventuellement et des clés pour pouvoir les dépasser ?
Marielle Barbe
Alors les difficultés sont claires. On vit en France. Tu vois, j’étais au Québec, et ils ne parlent pas de terme de slasheur. Je suis arrivée là-bas, j’ai fait un peu de promo. Je suis tombée sur une émission d’une journaliste qui m’a interviewé et elle a été interviewée à la télé 2 jours après, et quelques jours après elle a dit qu’elle était slasheuse. Ça a commencé à infuser.
Mais en tout cas, eux, la notion de slasheur ce n’est même pas un sujet. Ils sont dans cette culture anglosaxonne, où faire plusieurs jobs ce n’est pas un vrai sujet.
- En France, on est un pays d’experts.
On a porté au nu le graal. Être un spécialiste de quelque chose. Voilà. Ça n’a pas toujours été le cas. Ça c’est la révolution industrielle qui est passée par là, qui a appelé des spécialistes, des ouvriers spécialisés, excusez-moi de l’expression, on a envie de rigoler. Mais ça n’a pas toujours été le cas.
- La norme c’était au contraire d’être un polymathe.
D’être une personne qui était à la fois comme les grands philosophes, d’être scientifique, médecin, sculpteur, peintre etc. qui oserait reprocher à Léonard De Vinci d’avoir été un slasheur ?
En revanche aujourd’hui, quand tu l’es, on te dit c’est suspect. Quand tu es un touche-à-tout, ça veut dire que tu ne fais rien de vraiment à fond. La plus grande difficulté du slasheur aujourd’hui encore, même si ça bouge parce qu’on en parle de plus en plus, c’est finalement d’être perçu comme un extra-terrestre, d’être perçu comme une personne pas totalement finie, un peu instable.
- La deuxième difficulté du slasheur c’est que parfois, comme il a 3 ou 4 activités, il est parfois obligé d’avoir 3 ou 4 statuts.
Donc il doit jongler entre 4 statuts qui parfois sont contreproductifs entre eux. Ça coûte de jongler entre un statut d’autoentrepreneur, un statut à la maison des artistes, en compta etc c’est quand même très compliqué.
Le slasheur, comme un indépendant, cherche son boulot. Donc personne ne lui apporte des missions à faire. Il faut aller la chercher.
Et un slasheur est beaucoup plus mal protégé d’un point de vue chômage, maternité, vieillesse etc.
Comme un indépendant mais encore pire, parce que parfois il a plusieurs statuts.
Sur le plan personne, je pense que la plus grosse bataille c’est justement la légitimité. Et le conseil que je donne, il n’y en a pas 50, c’est à mon avis vraiment très très simple, c’est de se reconnaitre déjà comme tel. De comprendre, d’arrêter d’essayer de rentrer dans une case en disant « un jour je vais trouver, je vais avoir la révélation, la vocation qui va tomber du ciel et du coup je saurais ce que je veux faire. Parce que quand on est slasheur la vocation est souvent éphémère. On y croit parce qu’on est à fond dans un truc, mais au bout d’un moment il nous manque l’équilibre tête-cœur-corps qui fait qu’on s’y retrouve.
Il nous manque aussi la possibilité de pouvoir explorer de nouveaux domaines, de nouveaux sujets. Parce que quand on est enfermé dans un job, dans une activité, ce que est horrible pour moi quand c’était le cas et que je croyais avoir enfin trouvé ma vocation, c’était quand même de voir passer des trains à côté où je me disais « mince mince, alors là je suis salariée, et je vois passer le train et je peux pas grimper dedans parce que je suis enfermée là et que j’ai un contrat, et que je ne peux pas aller à telle réunion, à telle conférence, faire telle mission etc ».
Donc le slasheur doit comprendre que finalement, ça ne veut pas dire qu’on fait tout hein, mais cette sensation de liberté de pouvoir le faire ou pas le faire, c’est déjà énorme. D’avoir la possibilité de ne pas se sentir enfermé et coincé.
Donc c’est de se reconnaitre dans ce fonctionnement-là et de se dire que la société, la norme en France c’est l’expertise, tant pis. Parce que la norme n’est pas forcément arrivée pour de bonnes raisons et surtout la norme aujourd’hui par rapport à l’évolution de la société et du monde du travail est totalement obsolète.
Et ce que disait cet article que j’avais lu et qui m’a fait prendre conscience que j’étais slasheuse, c’est que justement les personnes qui vont le mieux s’en sortir dans les années à venir mais déjà aujourd’hui sont les personnes qui sont, comme dit Carol Doumecq, à l’esprit de développement, donc les slashs potentiels, qui sauront rebondir, qui sauront s’adapter, qui n’auront pas peur d’aller développer une autre corde à leur arc.
Et d’ailleurs tous les slasheurs que j’ai interviewé dans le livre, aucun n’est au chômage. En revanche, s’ils n’avaient pas eu cette capacité de rebond, d’agilité et d’adaptation, la plupart serait au chômage parce qu’à un moment ils ont été confrontés à des difficultés professionnelles qui font qu’ils n’ont plus trouvé de boulot dans leur secteur d’activité, et que parce qu’ils ont su ouvrir d’autres champs et développer d’autres cordes à leur arc, ils ne sont pas au chômage.
Et pourtant on continue à trouver qu’ils sont suspects. Et pourtant ils ne sont pas chez Pôle Emploi.
Jean-François
Intéressant la réflexion.
Marielle Barbe
Et oui.
- Donc là je dirais que le meilleur conseil à mon sens que je peux donner, ce qui a été vraiment mon expérience, d’abord de comprendre que j’étais slasheuse.
Déjà ça a été une libération de me dire que je suis juste peut-être un peu en avance sur la société et pas au contraire inadaptée. Et je ne suis pas toute seule surtout parce qu’il y a plein de gens qui sont comme moi.
Ça c’est déjà hyper important.
Et de commencer à regarder tous les gens au quotidien qu’on voit, parce qu’on va reconnaitre cette possibilité-là à d’autres, souvent à des artistes, telle personne qu’est-ce que je l’envie c’est génial de pouvoir vivre une vie aussi riche !
Mais nous on ne se reconnait pas ce droit-là. Donc de se reconnaitre ce droit-là.
- La deuxième chose c’est de l’assumer.
La première c’est de se reconnaitre comme tel, de comprendre qu’on a besoin d’être heureux de cette complétude, de comprendre quelles sont les différentes facettes de notre personnalité, de comprendre quel est ce fil conducteur. Parce que ce fil conducteur permet de ne pas se disperser.
Il permet de dire que ma raison d’être c’est ça, on me propose telle mission et j’ai un truc qui me fait envie. Est-ce que ça nourrit ma raison d’être ? Bof, alors j’y vais pas. Oui. Est-ce qu’aujourd’hui j’ai la possibilité d’y aller, le temps, est-ce que je le mets dans mes priorités ? Oui ok alors je le prends.
Est-ce que j’en ai envie ? parce que ça peut nourrir notre raison d’être mais pas forcément correspondre à nos envies du moment. Donc ça ce sont les bonnes questions à se poser. Mais pour ça il faut avoir trouver ce fameux fil rouge, ce fameux fil conducteur.
Et ensuite, une fois qu’on a ça, qu’on a pu faire ce travail-là, la deuxième chose c’est de l’assumer. Il faut vraiment l’assumer. C’est-à-dire que quand on est face à quelqu’un qui a les bons arguments c’est important. c’est pour ça que j’ai développé tout ça dans le livre. Pour donner aussi des arguments et de dire que c’est pas parce que j’ai fait plein de choses que je suis pas allée à fond. Parce que justement, moi, mon moteur, c’est l’enthousiasme, c’est la curiosité.
Donc pour moi, quand je démarre une boucle et que je fais une itération sur un sujet, j’ai une capacité à me jeter dedans, à l’attraper par tous les bouts, à lire tous les livres qu’il faut, à aller faire toutes les expériences qu’il faut plus que quelqu’un qui va l’aborder un peu comme ça parce qu’elle est obligée de le faire.
Donc oui, je deviens très vite un expert d’un sujet. Et oui c’est comme ça que je fonctionne.
Avoir les arguments pour expliquer aux gens pourquoi. Et ce qui est très drôle c’est que moi, depuis que je fais ça, jamais personne n’est venu m’accuser ou me reprocher ça. Plus jamais.
Parce qu’en fait au contraire, il y a un effet miroir. Les gens disent qu’eux aussi sont un slasheur qui s’ignore, ils comprennent complètement et remercient.
Ça crée du lien et je me rends compte que finalement on n’a pas les clés.
Donc le fait de l’expliquer et de mettre un mot dessus fait que les gens comprennent et puissent même se dire que finalement eux aussi, plutôt que de le juger comme quelque chose de négatif.
Jean-François
D’accord super.
Marielle Barbe
Après je donnerais comme conseil de valoriser tous ses réseaux. Parce qu’un slasheur c’est quelqu’un qui a plein de réseaux. Donc de prendre conscience de toute la matière qu’on a et de tout ce qu’on a acquis qu’une autre personne n’aurait pas, et qui fait notre valeur ajoutée.
Vraiment de faire l’inventaire de sa valeur ajoutée.
Jean-François
D’accord d’accord.
Marielle Barbe
Je ne sais pas si je réponds bien à ta question…
Jean-François
Oui exactement, parce que tu dis que le plus important c’est de le reconnaitre dans sa tête et de le reconnaitre dans son corps, dans son cœur.
Marielle Barbe
Oui le reconnaitre globalement, faire un état des lieux, un inventaire, en disant :
- Comment je suis
- Comment je fonctionne
- Qu’est-ce que j’ai
- Qu’est-ce que j’ai acquis dans mon parcours
- Comme compétences
- Comme réseaux
- Comme relationnel
Ok tout ça je l’ai, c’est ma malle au trésor. Avec ça aujourd’hui j’ai envie de quoi ? mes envies se situent où ?
- Quelles sont mes priorités
- Quelles sont les différentes activités, métiers, facettes que j’ai envie de mettre en œuvre
Mais si on ne l’assume pas, ça sert à rien.
Moi ça a été mon cas. Je l’ai reconnu. Mais pendant longtemps je ne l’ai pas su. Mais il a vraiment fallu que je fasse ce travail d’intégration pour dire « Stop, maintenant plus personne ne va me dire ce qui est bien ou pas bien. » Moi je le sais ce qui est bien pour moi alors je l’assume complètement.
Jean-François
Et c’est là où on redevient quelque part acteur de sa vie.
Marielle Barbe
Oui, et là tout a changé, plus personne n’est venu me le reprocher, et je n’ai jamais autant travaillé. Et bizarrement, c’est peut-être le moment de ma vie où je suis la moins slasheuse, parce que tout ce que je fais tourne autour de ce sujet, autour du livre, des conférences que je fais, des ateliers que je fais etc.
Donc c’est drôle, c’est un joli pied de nez.
Jean-François
Oui j’avoue, j’avoue. La vie est cocasse par moment.
Merci beaucoup Marielle pour ce partage.
Marielle Barbe
Je t’en prie, merci Jeff.
Jean-François
Et qui sait, peut-être à une prochaine fois !
Marielle Barbe
Avec grand plaisir.
Jean-François
Super, génial. Au revoir.
Marielle Barbe
Bonne journée à tous, au revoir.
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Comment ne pas être d’accord avec le propos de cet article… C’était justement le sujet de discussion du jour avec mes collègues^^ Pourquoi l’école ne nous apprend pas à devenir heureux tout simplement… On n’apprend pas à avoir confiance en soi, à prendre des initiatives, à être créatif… Voilà pourquoi il ne faut jamais arrêter d’apprendre 🙂
SI tu as aimé cet article, tu devrais aimé mon résumé du livre l’Élément de Ken Robinson. C’est exactement ans la même veine ! 😀